Maja.

Cette photo, je l’avais épinglée au-dessus de mon bureau, à Cartoon Farm où je travaillais à l’époque. Je ne sais plus où j’avais trouvé cette carte postale, mais le photographe et son modèle jouissait d’une certaine notoriété.

Déjà, à Duperré, je préférais les modèles gros. L’harmonie de leurs courbes se répondant les unes aux autres, la tension de la chair, ou son affaissement, la grâce des rondeurs, les fesses, les seins. Nous avions surtout des modèles âgées dans cette catégorie. Des corps ayant vécu, avec des histoires dans chaque pli, émouvants et tranquilles. Le geste de la main et du fusain dans la courbe est tellement plus ample, plus large. On dirait qu’il respire.

Les modèles minces et parfaits, leur beauté tétanise. On sait qu’on ne peut sublimer ce qui est perfection. Dessiner le beau est vain.

Mais s’engloutir, se noyer dans les sinuosités, dans les traits ronds, dans les courbes, dans les volutes voluptueuses de la chair, en suivant du fusain les plis et les replis, en en sublimant le tracé, en rendant visible la beauté est vraiment un plaisir incomparable, un festin extactique. Car montrer la beauté là où d’autres ne la voit pas est le seul travail de l’artiste. L’artiste provoque par la vision et la représentation. En alchimiste, il transforme le trivial en sublime, et soulevant le voile des yeux, montre à tous la beauté.

MAJA / ©Cees van Gelderen-1980