Fille d’Avril…
Fille du renouveau,
Des bourgeons qui éclosent,
De l’air suave,
Des oiseaux qui chantent
Parce qu’ils sont vivants,
Heureux d’avoir survécu à l’hiver
Et ses habits gelés…
Catégorie : Le Monde
Mars
Un matin sur la Terre…
un soleil ravi illumine la vallée.
Les fumées grises frissonnent en montant dans l’air froid.
Silence et paix dans la maison.

Avec quelques traits d’eau brunes.
Il est assis au bout de la table.
Sur la nappe froissée traînent encore les miettes et les tasses du déjeuner.
Tous sont partis. Ils ont quitté la petite salle à manger tranquille. Les portes-fenêtres sont ouvertes et un frais soleil dessine des carreaux de lumière sur les tomettes.
Une brise pointue gonfle les rideaux. Ils s’envolent comme de légers fantômes, font de silencieux et longs mouvements de bras, puis vont mourir contre le mur où ils palpitent un moment encore pour frémir de nouveau dans un souffle.
Un silence d’oiseau a empli la maison. Loin, au bout du vestibule, les marmites de cuivre sonnent pareilles à des clarines.
Cordes sensibles.
La beauté et la grâce de la voix et du chant qui s’épanouit pour habiter dans l’espace. Comme une source qui donne naissance à un fleuve, entraînant dans son flot des émotions d’enfant.
La voix, fragile et puissante, qui hérisse la peau, qui fait frissonner dans son écheveau d’ondes sensibles et immatérielles.
La magie stupéfiante de cette invisible beauté.

Jour de pluie.
Aujourd’hui, un ciel de taupe mouillé qui ruisselle sur la route vernie d’eau.

Nocturne.
Parfois, c’est si difficile de décrire la plus simple beauté.
Hier soir, un reste de soleil éclairait la lune par en dessous, dans un ciel noir.
Frêle croissant d’or pour traverser la nuit…

Ce qui restera…
Comme elles sont magnifiques, toutes les choses abandonnées qui se dégradent lentement.
Jamais elles ne furent plus belles qu’à ce moment où la beauté les abandonne,
Ni plus vivantes qu’à l’approche de leur fin.
À peine debout, elles résistent au délabrement qui ronge leurs poutres, leurs os, et déchire leur peau, morcelant leurs couleurs en écailles, brisant tout en petits morceaux d’où la vie s’échappe.
Dans leur rage à demeurer, elles ramassent autour de leur corps exsangue, les mousses et les lierres qui les maintiennent.
La fin des choses est chuchotement et brume et dentelles moisies autour des yeux, les volets dégondés ouverts sur le néant du passé qu’on oublie.
Vêtues d’une histoire ignorée, drapées d’ombres, encore rose parfois, ou bleu, ou ocre, elles laissent le temps les parer, les émailler de gris, les choses que l’on a abandonnées.
La rouille les orne, et les lambeaux des papiers peints disent où une main avait accroché un précieux portrait dont ne reste que l’écho.
Ma maison délabrée a le ciel pour plafond et le vent pour murs. Les pastels et les poudres s’en échappent pour courir dans l’azur.

Le chemin dans le ciel.
La nuit est tombée, éclairée d’une lune ronde.
J’entends passer des grues dans le noir, qui se rendent à un rendez-vous secret, sans lanterne, sans fanal, sans flamme, avec juste le scintillement des étoiles pour les guider… Elles s’appellent dans l’obscurité pour se compter et être sûres que toutes sont là, dans la ligne, à se passer les unes devant des autres, s’écartant pour faire place à celles qui passent à l’arrière, tandis qu’une vaillante prend la tête du v, qui n’a ni symétrie ni ordre. Dans les ténèbres, elles poussent leur cris de klaxon joyeux et pathétique.
Disent-elles « attends-moi » à celles qui les précèdent ? Ou peut-être « suis-moi, je connais la route », à celles qui les suivent.
Elles ont traversé le ciel au-dessus de ma maison, puis la sirène de leur chant cacophonique s’est éteint vers l’horizon.
Sitôt disparue la première troupe, arrive du bout de la nuit une nouvelle escadrille tapageuse qui s’apostrophe à grand bruit et finit par s’évanouir dans le silence.

Rue du Rabois…
Lorsque que nous sommes arrivés rue du Rabois, il y a plus de vingt-six ans aujourd’hui, le 26 juin 1996, c’était au lendemain d’une période très noire pour mon compagnon, ma petite fille et pour moi… Une période de dépression profonde.
Cette maison, nous ne l’avions pas choisie. Ma mère et ma tante ayant reçu pour mission de nous trouver un toit à Argenton en un mois, elles choisirent cette maison au bord de la Creuse. Nous ne l’avions pas visitée, nous l’avons rencontrée le jour même de notre arrivée.
C’est ainsi que nous avons posé nos valises, et tout le reste, pour nous ne savions combien de temps. On voyait ça comme une étape.
Mais voilà, nous y avons été très heureux. Moi, en tout cas… Chaque fois que j’ai promené le chien sous les tilleuls de la promenade, je me suis sentie heureuse et très chanceuse…
La maison n’était pas parfaite, mais elle a su abriter la vie de notre petite famille. Pendant les treize ans où nous y avons vécu, ma fille a grandi. De petite fille de 11 ans, elle s’est transformée en jeune femme de 24 ans. On a vieilli, on a changé, j’ai passé du bon temps, mais aussi de fichus quarts d’heure, j’ai perdu mon père, mes cousins, mes oncles… J’ai eu des joies, j’ai eu des peines. Ma fille est partie, mon chéri est resté, mon chien a pris de l’âge.
Lire la suite « Rue du Rabois… »Septembre.
Il pleut ce matin… La petite pluie grise et fine de septembre qui enfouit les couleurs dans un brouillard d’eau et fait rouiller les feuilles. Les arbres de la place pleurent par en dessous et laissent divaguer leurs branches fatiguées, arrosant au passage les voyageurs qui viennent de la gare, et les chiens promeneurs de maîtres. Ils s’ébrouent dans la pluie et reviennent mouillés.