Avec quelques traits d’eau brunes.

Il est assis au bout de la table.

Sur la nappe froissée traînent encore les miettes et les tasses du déjeuner.
Tous sont partis. Ils ont quitté la petite salle à manger tranquille. Les portes-fenêtres sont ouvertes et un frais soleil dessine des carreaux de lumière sur les tomettes.
Une brise pointue gonfle les rideaux. Ils s’envolent comme de légers fantômes, font de silencieux et longs mouvements de bras, puis vont mourir contre le mur où ils palpitent un moment encore pour frémir de nouveau dans un souffle.
Un silence d’oiseau a empli la maison. Loin, au bout du vestibule, les marmites de cuivre sonnent pareilles à des clarines.

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sans traits ni points

Pendant un certain temps, je me suis adonnée au plaisir de mettre sur ma planche de zinc bouts de papier, encre, matériaux plats et granuleux, ou de peindre directement sur la plaque métallique à grands coups de brosse. Puis, je mettais un papier humide sur l’ensemble, et passais le tout entre les langes et les rouleaux de la grande presse de l’atelier de gravure que je fréquentais. Comme on ne peut faire qu’un tirage, ce genre de « gravures non gravées » s’appelle « monotype« .
Je soulevais, le cœur battant, le papier où étaient imprimées mes fantaisies incontrôlées, pour en connaître le résultat hasardeux. Deux paramètres rendent ce travail impossible à contrôler totalement : la pression de la presse, l’écrasement des matériaux et de l’encre, et le fait que le tirage soit l’envers de la planche travaillée.
C’est toujours étonnant et émouvant de soulever délicatement la feuille avec la longue pince fine, et de déposer le tirage sur son lit de papier, pour le laisser sécher.

Illustration pour Le Bateau Ivre. Monotype. ©Marie-Anne Bonneterre. 2011.