Avant qu’il ne soit trop tard,
je voudrais encore poser ma tête sur ton ventre doux.
je voudrais appuyer mon épaule à la tienne. Je voudrais lire tes pensées dans tes yeux profonds.
Avant qu’il ne soit trop tard,
je veux encore sentir ton souffle sur ma nuque. Je veux encore ton étreinte et le chagrin de nos corps délacés. Je veux la houle et l’écume. La tempête qui m’emporte et les clapotis de nos mots tendres.
Quand nous serons séparés, où seront-ils ?
Avant qu’il ne soit trop tard,
je veux les baisers et la peau. Je veux les caresses.
je veux tes mains et le feu.
Respirons encore, avant qu’il ne soit trop tard. Laissons s’échapper de nous l’haleine brumeuse.
Les yeux fermés, puisons, toi et moi, dans les battements de nos cœurs unis, notre rythme intime.
Toi et moi, et notre océan. Les flots que nulle digue ne contient. Notre vague touche au ciel et se nourrit d’étoiles. C’est toi qui m’y porte dans le vaisseau de tes bras.
Avant qu’il ne soit trop tard,
je veux ton dos, et ta nuque, et ton corps assoupi dans un sommeil d’enfant.
Je veux ta voix, et les paroles inlassables, qui sans arrêt m’enveloppent.
Parce qu’un jour, il sera trop tard, et que tout sera silence.
Avant qu’il ne soit trop tard, ta main dans la mienne.
Nos souvenirs ? Les souvenirs qui sont notre mortier et nos pierres.
Ils disparaîtront quand notre temps sera passé.
Ils fuient déjà entre nos doigts sans que nous puissions les saisir.
Avant qu’il ne soit trop tard, je veux la joie. Je veux la lumière.
Je veux le soleil blanc dans le brouillard, et la lune doré comme un sou neuf.
Je veux le printemps et sa gueule verte pleine de buissons. Le printemps frais et neuf, en chemise de soie, qui court les sous-bois et fait se dérouler les crosses des fougères.
Je veux encore des soirs d’été. La musique des bavardages s’enroulant dans le parfum des tilleuls.
Je veux encore les vaches dans les brumes, comme des fantômes bruns et lents, qui tournent leur tête pour regarder avec langueur.
Je veux toute la beauté du monde pour tout emporter.
Avant qu’il ne soit trop tard, faisons ripaille du monde dont nous sommes les hôtes.
Avant qu’il ne soit trop tard, je t’invite au banquet de la vie. Faisons de nos corps un festin, de nos âmes, une noce sans fin. Un jour, nos gourmandises épuisées, il nous faudra quitter la table.
Parce qu’avant qu’il ne soit trop tard, je veux l’éternité de ton regard dans le mien. Je veux l’éternité du ressac, des jours et des nuits, des naissances et des germinations. Je veux les vendanges et les moissons infinies. Je veux notre cœur éternel.
Je veux le plein, et le vide. Le présent, et l’absent, le ciel par-dessus la tête et la terre sous mes pas. Je veux l’horizon d’une mer étincelante.
Je veux ton amour absolu.
Il n’y a pas de souvenirs, car tout est présent. C’est toujours maintenant, toi et moi.
Avant qu’il ne soit trop tard, fondons-nous l’un dans l’autre dans la volupté de nos corps unifiés par un désir ardent, et flambons. Allumons mille feux de joie.
Avant qu’il ne soit trop tard, ne désirons pas, mais jouissons d’être.
Le monde est à cueillir, et nos mains sont habiles.
Tout restera derrière nous. Nous laisserons tout, comme une valise oubliée… Toute la beauté, et tous les sacrilèges.
Avant qu’il ne soit trop tard.
