Un matin sur la Terre…
un soleil ravi illumine la vallée.
Les fumées grises frissonnent en montant dans l’air froid.
Silence et paix dans la maison.

Un matin sur la Terre…
un soleil ravi illumine la vallée.
Les fumées grises frissonnent en montant dans l’air froid.
Silence et paix dans la maison.
Passe le monde à ma fenêtre, promeneur indolent.
Je suis ici, immobile à la fenêtre de mes yeux, à regarder mourir le temps.
J’essaie de retenir une image, mais elle fuit, et je l’accroche avec les autres dans le musée de ma mémoire.
Tous ceux que j’ai connu sont assis dans l’oubli.
Le sable des heures les recouvre avec patience.
J’ai arrêté leur élan avec infiniment d’ingratitude pour les agrafer dans mon Panthéon, car le temps qui nous avait uni nous sépare.
Je les ai enfoui dans l’argile du passé.
Parfois, je cherche leur figure de cire morte pour la mettre à la lumière, mais rien ne les ressuscite.
Suis-je, moi aussi, un cadavre de boue ?
Je suis morte mille fois, et mille fois je me suis rangée sur les étagères de mes souvenirs, dans le fatras de mon intime grenier.
Que sais-tu de moi, toi qui regarde à l’intérieur
par la fenêtre de mes yeux ?
La nuit a éteint la lumière et le champ s’est tu un moment, puis les harpes de vent des grillons ont commencé à chanter. Les vers luisants s’éveillent, petits réverbères d’un monde minuscule.
Été.
La fougère qui vit chez nous a très mauvais caractère. Solitaire et irascible, elle ne supporte pas la présence de ses congénères… Le lierre de la cuisine est en revanche joyeux et amical. Il s’épanouit sans complexe et va finir par entourer le basilic de ses bras verts…
Est-ce que les merles chantent en mode mineur ?
Qui est là, dans ce monde, pour nous regarder, et pas seulement nous voir ? Qui nous écoute, et ne se contente pas de nous entendre ? Qui nous comprend sans nous juger, et nous accepte sans nous comprendre ?
Qui nous épargne ?
Et nous frôle sans nous heurter ?
Qui nous accompagne sans nous diriger ?
Parfois, le matin, cette impression de solitude universelle m’étreint, et je voudrais aimer toute l’humanité…
L’année dernière, mes poèmes étaient remplis du bruissement du champ. Cette année, silence…
Le champ est mouillé.
Les foins sont faits. Le champ a été rasé de près… Où les papillons vont-ils se donner rendez-vous ?
Samedi matin. Des balayures de la terrasse, un insecte de métal vert qui s’enfuit en courant.
L’eau qui coule dans ma bouche,
C’est l’eau verte des jardins.
Abreuvée de palpitations infinies,
La vie ruisselle.
L’eau verte des jardins, c’est la mare
immobile, peinte de gouache mate, brouillée un instant
Par le saut de la grenouille.
Son passage laisse voir une eau noire.
Une eau profonde comme un œil
que la paupière de l’eau
recouvre.
Ploc.
L’eau de la mare cache sa nature de ténèbres sous sa peau verte.
Les insectes de l’eau y marchent à l’envers,
de leur long pas d’araignée.
Quelles sont les bêtes sombres, les limaces sanglantes,
Les poissons enchevêtrés de mousse de ses fonds mystérieux ?
Ils écartent les végétations ternes pour regarder le ciel,
Dévoilant en silence la nuit des eaux dormantes.
L’eau verte des jardins reposent dans des pots.
Laissés là par la main négligente du jardinier, ils ont recueilli
l’eau des pluies de novembre
et se sont laissés briser par le gel de l’hiver.
L’eau verte des jardins,
C’est le ruisseau qui file des quenouilles de soie
Chahutant comme un enfant léger sur les pierres glissantes.
Les ruissellements arborescents dans le sable
forment des lacs où nait un monde minuscule.