Aujourd’hui, un ciel de taupe mouillé qui ruisselle sur la route vernie d’eau.

Aujourd’hui, un ciel de taupe mouillé qui ruisselle sur la route vernie d’eau.
La nuit est tombée, éclairée d’une lune ronde.
J’entends passer des grues dans le noir, qui se rendent à un rendez-vous secret, sans lanterne, sans fanal, sans flamme, avec juste le scintillement des étoiles pour les guider… Elles s’appellent dans l’obscurité pour se compter et être sûres que toutes sont là, dans la ligne, à se passer les unes devant des autres, s’écartant pour faire place à celles qui passent à l’arrière, tandis qu’une vaillante prend la tête du v, qui n’a ni symétrie ni ordre. Dans les ténèbres, elles poussent leur cris de klaxon joyeux et pathétique.
Disent-elles « attends-moi » à celles qui les précèdent ? Ou peut-être « suis-moi, je connais la route », à celles qui les suivent.
Elles ont traversé le ciel au-dessus de ma maison, puis la sirène de leur chant cacophonique s’est éteint vers l’horizon.
Sitôt disparue la première troupe, arrive du bout de la nuit une nouvelle escadrille tapageuse qui s’apostrophe à grand bruit et finit par s’évanouir dans le silence.
Pourquoi est-ce qu’il reste toujours quelques feuilles en haut des peupliers ? L’automne n’arrive-t-il pas au bout des arbres ?
Herbes sèches,
Floraisons noires,
Branches dénudées,
Fleurs sans fruits…
La vigne blanche laisse ses filles échevelées envahir murs et clôtures comme des folles sans entraves. Les écharpes transparentes des brumes de la rivière s’enroulent et montent au ciel où se déploient les roses de l’aube.
Les feuilles encore vertes attendent le vent de novembre qui viendra les décrocher une à une pour les emporter dans d’invisibles bras plein d’eau et de frimas.
Les étourneaux se donnent rendez-vous dans le ciel pur et nu du soir, et se pressent par petits groupes pour rejoindre le murmure éphémère de leur communion mystérieuse. Leur nuage en pointillé se noue et se dénoue au gré de secrètes inspirations, mais qui décide du chemin ?
Tout va vers une fin jusqu’aux prochaines éclosions. L’été s’endort sereinement, emmitouflé des vapeurs douillettes de l’automne qui arrive sans bruit.
L’été a répandu sa joie sans fin pendant les jours splendides et saupoudré de vie chaque coin d’herbe, chaque couple frémissant, chaque emmêlement vivant, chaque graine ténue. Il a tenu dans sa main de lumière toute chose qui voulait naître. Puis il a refermé ses doigts flamboyants, et laissé place aux doigts mouillés de septembre qui retient dans sa paume les futures germinations. L’automne cache tout ce qui va renaître dans un fouillis de feuilles mortes.
Premier jour de l’automne.