Lisbonne est une ville d’errances. Il convient de se laisser porter par la lumière qui se dégage du Tage, une lumière douce, brumeuse de temps en temps, ou encore jaune et poudrée, quelquefois claire et transparente comme l’eau.
C’est une ville de petites choses entrevues, de vitrines surréalistes, d’enseignes sans objet, d’étonnantes compilations hétéroclites, de nœuds et de cordes, de têtes de poissons furieux derrière une vitre, d’entassements de pains farcis de chorizos, de petits gâteaux à la crème, de torsades et de pâtés, de couloirs encombrés de boutiques de rien. C’est une ville où le regard doit vagabonder, se promener sur les façades, muser jusque sur les toits où poussent des champs d’herbes folles, où des arbres prennent racine dans les gouttières écroulées. Les rues sont tantôt verticales et montent à l’assaut des collines parcourues de trams qui brinquebalent et tintinnabulent comme de grands jouets jaune d’or, tantôt elles sont à peu près plates, pleines de bosses et de trous revêtus de basalte, éblouissantes au zénith, quand le soleil implacable descend droit du ciel. Les murs carrelés réfléchissent eux aussi la lumière, mais plus tard, au soleil du soir qui darde ses rayons obliques et roses. Le fleuve est partout dans la ville. Du haut des collines, on le voit miroiter jusqu’à l’horizon. Entre les murs des immeubles qui le dissimulaient, et le dévoilent soudain dans la lumière brouillée d’un ciel couvert. Il offre ses bras, et ses jambes et tout son corps mouillé tout au bas de la ville, entre les parapets qui encadrent une volée de marches vertes, moussues et glissantes qui plongent dans l’eau, et qui sont le territoire des goélands. Deux colonnes comme des quilles marquent le départ vers l’ailleurs. Le Tage à Lisbonne, c’est le premier pas vers la mer. Sillonné de navires bien trop immenses, conduits par de minuscules bateaux-pilotes, il appelle vers le large…
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Lisbonne
Enchevêtrement des toits et des pignons aux couleurs fanées, puits de lumière ornés de fer forgé et couvert de tôle ondulée, tuiles rouges et forêt d’antennes tordues. Le ciel est couvert, ce matin. Comme souvent dans les cités du bord de la mer, la nuit a tiré sur la ville la couverture des nuages, et ils peinent à se disperser au matin, mais on sent le soleil et la chaleur tout proches. Les bruits sont nouveaux, et pourtant familiers. Comme de vieux amis, ils montent vers moi de la rue, et entrent par la fenêtre largement ouverte. Les sirènes des ambulances, les voix des enfants, les frôlements des voitures sur les pavés de basalte de la chaussée, les oiseaux sur les toits, et dans les cages suspendues aux fenêtres. Cliquetis des boutiques, voisins s’interpellant à grand bruit, vendeurs ambulants. Au loin, le brouhaha emmêlé des autos, des camions et par-dessus ce tissu épais, les notes joyeuses des trams dégringolant les collines et les cris des goélands dans le ciel au-dessus.
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