Fouillis de champ. Le ciel a laissé des chiffons bleus dans la chicorée sauvage…
Catégorie : Au Jour Le Jour
La rivière.
Pourquoi le reflet des arbres n’est-il pas entraîné par le mouvement de l’eau ?
Les saisons.
Marcher pieds nus dans la nuit sur le carrelage froid, ouvrir le réfrigérateur pour boire de l’eau glacée, écouter les pales du ventilateur couper l’air en frais petits quartiers, entendre les bruits de la nuit se faufiler entre les persiennes.
C’est l’été.
Les saisons.
Les moutons des nuages moutonnent en troupeaux sages vers l’horizon.
Un train passe au loin.
La rivière coule en un bruit de frisson.
Été.
La vie des plantes…
La fougère qui vit chez nous a très mauvais caractère. Solitaire et irascible, elle ne supporte pas la présence de ses congénères… Le lierre de la cuisine est en revanche joyeux et amical. Il s’épanouit sans complexe et va finir par entourer le basilic de ses bras verts…
Sud…
Longues routes qui déroulent leur ocre clair jusqu’à l’horizon, striées de l’ombre noire des oliviers.
Toute ombre est noire, sous le soleil. Toutes les couleurs s’affrontent sans tendresse dans la lumière. Le ciel de cobalt et la plaine blonde, les cyprès de vert sombre, les restes d’une mare opaline dans laquelle se noie le reflet d’un nuage solitaire.
Ma beauté.
Je suis une femme qui n’aime pas les bijoux, ni le luxe. Qui peut porter les mêmes vêtements pendant des années, se trouve à l’aise dans ses vieilles godasses, qui n’a guère d’intérêt pour la mode…
Alors, parfois, je dois faire des concessions au monde tellement futile dans lequel je vis. Je me maquille, j’achète des chaussures que je porterai trois fois, j’essaie d’avoir du style, mais sans y croire vraiment.
Pour moi, la beauté, je ne peux ni l’acheter, ni m’en parer. La beauté, c’est le monde, c’est la vie, c’est la talent, l’innocence, la grâce d’un moment, l’œuvre d’un artiste qui donne à voir, un trait, un beau trait impératif sur du papier blanc.
Être unique.
Le plus dur, ce n’est pas d’apprendre à faire ce que tout le monde fait, c’est de découvrir ce qu’on est seul à pouvoir faire.
On peut pas être heureux tout le temps.
Les matins où le cœur grince.
On ne peut pas être heureux.
Je suis de celles qui sourient. Qui se lèvent de bonne humeur et trouvent plaisir au jour qui vient. Même si parfois, le ciel du dehors fait grise mine, mon ciel intérieur est souvent ensoleillé.
Ménopause.
Depuis mon adolescence, j’ai appris à cacher le féminin déplaisant…
Déplaisant pour qui, je ne le savais pas, mais je sentais confusément qu’il y avait des choses à cacher.
La féminité était sale.
La féminité était sauvage.
Et il convenait de la dompter. D’épiler ces poils inconvenants qui disaient que je devenais une femme, de m’arranger, de porter un soutien-gorge, parce que les mignons bourgeons de mes seins débutants étaient impudiques, même sur un corps innocent comme le mien. De ne pas montrer mon ventre, mes cuisses. Mon jeune corps femelle était plein d’interdits. Et sans qu’on me le dise, je l’ai su.
Le pire du corps féminin, pour moi, ça a été les règles. Jamais ma mère ne m’en a parlé avant que ça ne « m’arrive », et même le jour où elles sont arrivées, incongrûment, pendant le job d’été de mes quinze ans, même si mes copines m’avaient déjà mise au parfum, j’ai eu peur, et j’ai été bien embêtée de ne pas savoir quoi faire. Papier-toilette et coton ont fait l’affaire jusqu’à mon retour à la maison. Je n’ai pas reçu de discours du genre tu es une femme, maintenant. Ma mère m’a donné des serviettes hygiéniques de son paquet à elle, et c’est tout. Ce n’était pas à propos des règles que nous aurions une intimité féminine. Les règles sont désagréables et ne présentent pas d’intérêt. Point.